« La crédibilité de l’Occident est quasiment nulle. Nous faisons rire le reste du monde. » Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis

Sur un plateau de télévision suisse, Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis, a livré une analyse sans détour sur la perte d’influence morale de l’Occident dans le reste du monde. Selon lui, « la crédibilité de l’Occident en dehors de l’Occident est quasiment nulle ». Une déclaration choc, qui résonne dans un contexte international marqué par les tensions, les guerres, et un basculement progressif des rapports de force. Pour une grande partie des pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du monde arabe (que l’on qualifie souvent de “reste du monde”) les leçons de morale occidentales ne passent plus.

L’héritage des guerres à géométrie variable

Gérard Araud pointe du doigt les interventions militaires menées par les puissances occidentales ces dernières décennies : « Les Occidentaux ont mené un certain nombre de guerres pour changer les régimes. » Le renversement de Slobodan Milosevic, l’invasion de l’Irak en 2003 sous de faux prétextes, ou encore le chaos laissé en Libye après l’intervention de l’OTAN en 2011, sont autant d’exemples qui nourrissent un profond ressentiment.… autant d’actions qui ont entamé durablement la légitimité du discours occidental sur le droit international. Pour ces pays, les appels actuels à défendre la souveraineté et le droit ne peuvent être pris au sérieux, tant ces principes ont été violés par ceux-là mêmes qui les proclament aujourd’hui.

Un double discours qui fait rire le monde

« Nous faisons rire le reste du monde lorsque nous invoquons le droit international que nous avons violé pendant des décennies », affirme l’ex-diplomate. Et ce rire n’est pas neutre : il traduit un rejet profond. Lorsque les dirigeants occidentaux disent défendre le bien contre le mal, « ils ne nous croient pas. Non, évidemment pas. On les fait rire aux éclats », insiste Gérard Araud. Le monde non occidental perçoit désormais l’Occident comme un acteur parmi d’autres, souvent incohérent, et peu crédible lorsqu’il se pose en juge moral.

L’Ukraine, révélateur du fossé mondial

Sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Gérard Araud nuance : « Le reste du monde n’approuve pas l’invasion, mais franchement, ne verse pas une larme sur ce qui nous arrive. » Cette indifférence ne traduit pas un alignement avec Moscou, mais plutôt un désintérêt pour une guerre perçue comme “européenne”, loin des préoccupations locales, et comme une conséquence de décennies d’un ordre mondial à deux vitesses.

Deux poids, deux mesures

La politique du deux poids, deux mesures entame sérieusement la crédibilité de l’Occident. Tandis que la Russie est lourdement sanctionnée pour avoir « agressé » l’Ukraine, Israël, pourtant en violation répétée du droit international, bénéficie du soutien constant des puissances occidentales, notamment des États-Unis. Et c’est ce même Israël (qui, selon plusieurs observateurs, détient déjà l’arme nucléaire en dehors du Traité de non-prolifération) qui bombarde l’Iran sous prétexte de l’empêcher d’en développer une.

Un Occident en perte d’écoute

Ce que dit Gérard Araud, c’est que l’Occident paie aujourd’hui le prix de son passé. La perte de crédibilité n’est pas le fruit d’une campagne de désinformation, mais d’une accumulation de contradictions. Pour retrouver un minimum d’écoute et d’influence, il ne suffira plus de proclamer des principes : il faudra les incarner, de manière égale et cohérente, partout dans le monde.