Manipulation de l’opinion : comment un faux témoignage fait devant le Congrès américain a permis de déclencher une guerre

En octobre 1990, alors que l’Irak venait d’envahir le Koweït, un témoignage glaçant bouleverse l’opinion publique mondiale. Une jeune fille koweïtienne affirme devant le Congrès américain que des soldats irakiens ont arraché des bébés de leurs couveuses dans un hôpital de Koweït City, les laissant m0urir sur le sol. L’émotion est immédiate. L’indignation aussi. Quelques semaines plus tard, les États-Unis déclenchent la première guerre du Golfe.
Ce que le monde ne savait pas à l’époque, c’est que ce témoignage, relayé massivement par les médias, était entièrement faux.
Une mise en scène
La jeune fille s’appelait Nayirah Al-Sabah. Présentée comme une simple témoin oculaire, elle était en réalité la fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington. Son témoignage avait été soigneusement préparé dans le cadre d’une vaste campagne de communication orchestrée par l’agence américaine Hill & Knowlton, financée à hauteur de 10 millions de dollars par le gouvernement koweïtien en exil.
Le but ? Gagner le soutien de l’opinion publique américaine pour justifier une intervention militaire contre l’Irak de Saddam Hussein. Et cela a fonctionné. Le témoignage de Nayirah a été cité à plusieurs reprises par des figures politiques américaines, dont le président George H. W. Bush.
Une manipulation aux conséquences majeures
C’est seulement en 1992 que la vérité éclate : le témoignage avait été fabriqué de toutes pièces. Amnesty International avait initialement confirmé les accusations en publiant un rapport sur l’affaire. Mais après vérification sur le terrain, l’ONG a alors publié un rectificatif, reconnaissant l’erreur.
L’affaire devient alors un cas d’école de propagande émotionnelle, étudié aujourd’hui encore dans les facultés de journalisme et de sciences politiques.
Cette manipulation d’envergure internationale a démontré à quel point l’information pouvait être instrumentalisée, même dans les plus hautes sphères de pouvoir, pour façonner l’opinion et orienter les décisions politiques.
Une leçon pour aujourd’hui
Trente-cinq ans plus tard, cette affaire reste d’une brûlante actualité. À l’heure des réseaux sociaux et de la surabondance d’informations, elle rappelle l’importance de vérifier les sources, de croiser les témoignages et de résister à la tentation de l’émotion brute comme seul moteur de l’action politique.
Cette affaire rappelle aussi une réalité brûlante pour le Sahel. Dans un contexte où circulent quotidiennement des accusations non vérifiées sur de prétendues exactions militaires sur des populations civiles, il devient facile de construire des narratifs capables de justifier des interventions extérieures. Ce fut le cas en Libye en 2011, avec l’épisode de Benghazi, utilisé comme argument clé pour déclencher une intervention militaire. La leçon est claire : dans les zones de conflit, la guerre de l’information est souvent le prélude à la guerre tout court.
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