Procès inédit : magistrats et greffiers s’affrontent devant la justice

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En 2019, le gouvernement burkinabè a adopté un décret portant hiérarchisation du personnel du corps des greffiers, conformément à la loi 054-2012 régissant le statut de ce corps. L’objectif affiché était d’organiser efficacement le personnel officiant dans les juridictions et au sein du ministère de la Justice.

Ce décret n’a pas été sans controverse. Les syndicats des magistrats ont contesté la mesure devant le Conseil d’État, qui a annulé le décret. Mécontents de cette décision, les syndicats du personnel du corps des greffiers ont formé un pourvoi en cassation afin d’obtenir un second jugement.

Les syndicats des greffiers estiment que les magistrats sont juges et partie dans cette affaire, s’appuyant sur le fait que le recours initial des syndicats de magistrats défendait des « intérêts collectifs ». Selon eux, cela constitue une violation de l’article 4 de la Constitution, garantissant à toute personne une protection égale de la loi et le droit à être entendu par une juridiction indépendante et impartiale.

À la lumière des textes, plusieurs éléments méritent attention :
• Les magistrats du Conseil d’État sont issus des tribunaux et cours d’appel et accèdent au Conseil d’État, en raison de leur ancienneté. Les membres du Conseil d’État non magistrats ne peuvent pas constituer eux seuls une composition de jugement .
• Les magistrats pourraient percevoir (dans décret portant hiérarchisation du personnel du corps des greffiers) que l’absence de subordination hiérarchique des greffiers au parquet, au siège et à l’instruction limite leur influence, ce qui expliquerait leur opposition au décret.

Cette situation soulève une question sensible : dans des litiges touchant à l’organisation ou aux droits collectifs des acteurs judiciaires, la composition de la juridiction peut-elle laisser place à un doute légitime sur son impartialité ? Les syndicats du personnel du corps des greffiers ont donc demandé le renvoi du dossier devant une autre juridiction, conformément à l’article 349 de la loi portant procédure civile, afin de garantir une justice perçue comme équitable.

Cette affaire n’est pas isolée : en 2019 déjà, souvenez-vous du litige relatif aux retenues opérées sur les salaires des magistrats. Elle met en lumière la nécessité, selon certains observateurs, de créer une structure judiciaire capable de traiter les affaires impliquant des intérêts collectifs de membres du système judiciaire, afin de préserver la confiance dans l’impartialité de la justice.

En attendant le jugement prévu pour le 21 novembre 2025, la question reste posée : comment concilier le respect de la hiérarchie interne des corps judiciaires et le principe fondamental d’impartialité ?

Alex Naké
www.burkinaonline.net

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