Affaire Alino Faso : entre cyberactivisme, fantasmes d’espionnage et tragédie politique. Une lecture stratégique

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L’affaire Alino Faso a pris une tournure dramatique. Ce cyber-activiste burkinabè, figure emblématique sur les réseaux sociaux, est décédé le 24 juillet 2025 dans des conditions troubles, alors qu’il était détenu à l’école de gendarmerie d’Abidjan. Sa mort, survenue entre les mains des autorités ivoiriennes, interroge non seulement sur les pratiques sécuritaires mais aussi sur les ressorts politiques et diplomatiques d’un dossier qui mêle communication, pouvoir, et influence.

Une arrestation politique déguisée ?

Alino Faso, de son vrai nom Alain Traoré, avait été interpellé le 10 janvier 2025 en Côte d’Ivoire, accusé notamment, «d’espionnage pour le compte  d’un pays étranger», de «subversion» et de «déstabilisation». Mais l’analyse des faits, de son profil public, et des pratiques du renseignement moderne, invite à un tout autre regard : et s’il n’avait été qu’un pion dans un bras de fer diplomatique régional ?

Car le profil d’Alino Faso ne correspond en rien à celui d’un agent de renseignement. Présence médiatique forte, soutien affiché au capitaine Ibrahim Traoré, vidéos virales, discours directs et revendiqués… En matière d’espionnage, une telle exposition est rédhibitoire. La couverture idéale d’un espion, dans toute doctrine professionnelle, repose sur la discrétion, l’effacement, la déconnexion visible de l’État qu’il sert. Or, Alino Faso était l’inverse.

Il serait donc absurde de le présenter comme un espion.

Un terrain hostile mal évalué ?

L’hypothèse la plus plausible  est peut-être la plus tragique : Alino Faso aurait peut-être cru qu’il pouvait vivre en Côte d’Ivoire tout en affichant un soutien actif au Capitaine Ibrahim Traoré, dans un contexte régional où les tensions diplomatiques sont palpables. Ce soutien ostensible, dans un État perçu comme “hostile”, aurait suffi à en faire une cible commode, voire un otage politique involontaire dans une lutte plus large.

Dans cette optique, il n’aurait pas été espion, mais utilisé comme levier de pression : Une pièce sur l’échiquier, où les plus exposés peuvent passer à la trappe. Il n’est pas exclu que son arrestation ait été motivée par une volonté d’envoi de message politique à Ouagadougou, dans le langage froid et dur des relations interétatiques africaines.

L’ombre d’une instrumentalisation sécuritaire

Qualifier Alino Faso d’“espion” a offert à Abidjan une justification sécuritaire forte, et une posture de fermeté face à Ouagadougou. Mais cette accusation, non étayée par des preuves solides dans l’espace public, semble davantage relever de l’hyperpolitisation que du renseignement rigoureux. En réalité, sa mort en détention renvoie à une pratique ancienne et dangereuse : transformer des activistes visibles en menaces d’État pour justifier des répressions ou des démonstrations de force diplomatique.

Le plus préoccupant, c’est qu’à écouter le porte-parole du gouvernement ivoirien lors de sa conférence de presse du 30 juillet 2025, rien ne laisse penser qu’une enquête indépendante soit envisagée pour élucider cette affaire.

Entre influence et instrumentalisation politique

L’affaire Alino Faso ne parle peut-être pas d’espionnage ni de déstabilision, mais de communication politique, de manipulations symboliques et de calculs d’État. Un cybermilitant engagé a été happé par un système politique. Il est probable  qu’il n’ait été ni agent, ni menace réelle, simplement un homme mal tombé au mauvais endroit, au mauvais moment, dans un contexte où la parole politique est une arme, et la loyauté publique un risque fatal.

Son histoire révèle les tensions violentes qui traversent l’Afrique de l’Ouest, où les régimes politiques, les influenceurs numériques et les États voisins s’affrontent non pas par les armes, mais par les récits, les symboles, et parfois… les morts.

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